Si en tant qu’adopté, vous avez la sensation d’avoir un masque social en permanence : c’est le résultat de votre faux Self. Il s’exprime par l’impression de ne pas être soi-même avec ses proches et même avec ses propres parents adoptifs. J’explique cette notion dans cette article.
Cet article est principalement inspiré du travail de recherche de Nancy Newton Verrier, psychologue clinicienne et mère adoptive. La touche personnelle est issue de mon expérience en tant qu’adopté moi-même, et des personnes que je rencontre en consultation en tant que psychopraticien. Chaque sujet englobe une généralité sans pour autant la conditionner ; l’humain étant complexe, chaque vécu est différent. Je vous invite donc à prendre du recul puis ne garder que ce qui vous parle. Bonne lecture !
Qu’est-ce que le « Self » ?
Le Self, c’est le soi. La période du Self se construit lors des premières années au contact de la mère biologique. Elle est essentiel pour le bon développement affectif de l’enfant. Le terme Self est notamment utilisé en psychologie pour traduire notre façon d’être. Il a été définit par Donald W. Winnicott afin de distinguer le vrai du faux Self.
Le vrai Self :
Il permet à l’individu de s’exprimer de façon « authentique » et spontanée en toute situation.
Le faux Self :
Il protège le vrai Self par mécanisme défensif dans une attitude de dissimulation ou renfermement. Il a une fonction adaptative pour chaque situation.
Le faux Self chez l’enfant adopté :
Le faux Self (Moi adaptatif) est décuplé à cause de la blessure primitive chez l’enfant adopté. Puisqu’il a été abandonné par ses parents biologiques, il devra dissimuler encore plus son vrai Self afin de s’adapter et ne pas déplaire à ses parents adoptifs.
C’est également la raison pour laquelle, certains adoptés sont très bien « assimilés » à la culture de leur pays d’adoption. La plupart d’entre eux vivent bien leur adoption comme expliqué dans l’article Pourquoi certains adoptés ne ressentent pas le besoin de connaître leurs origines ?
L’instinct de survie guide le jeune enfant à observer ce qui « marche » avec sa nouvelle famille, puis son nouvel entourage. Il pourra aller jusqu’à nier ses propre besoin pour être sûr de se faire accepter.
En vérité, c’est la recherche d’amour et de fusion qui motive l’adopté puisqu’il n’a pas vécu la période du Self : proximité physique avec sa mère biologique lors des premières années. Elle est nécessaire à tout enfant pour favoriser un bon développement affectif.
Le faux Self est présent dans toute relation avec l’autre. C’est la raison principale du sentiment d’être « à part » ou différent(e) de la société.
Avec les parents adoptifs :
Très tôt, l’enfant adopté va devoir développer son faux Self. Puisqu’il n’a pas de reflet génétique, il s’adapte aux expressions et attitudes de sa mère adoptive afin de ne pas être abandonné de nouveau. C’est pour cela qu’on appelle aussi le faux Self, Moi adaptatif.
L’adaptation qui est une des fonctions premières de la survie, sera la seconde nature de l’enfant adopté. Il apprendra souvent vite ce qu’il croit important d’apprendre pour plaire à ses parents adoptifs.
Une fois adolescents, et même adultes, les adoptés que les parents adoptifs me décrivent lors des consultations sont « intelligents, » « sensibles, » « doués, » « créatifs. » Ce n’est pas étonnant puisque la faculté d’adaptation permet la remise en question et une réflexion plus approfondie de ce qui nous entoure.
Le faux Self ne permet pas à l’enfant adopté de se sentir pleinement lui-même face à ses parents adoptifs. Un travail personnel peut se faire grâce à la proximité familiale au fil des années. Cependant, plusieurs types d’accompagnements sont à votre disposition si vous voulez vous faire aider, ici.
Avec les ami(e)s :
La définition du « masque social » prend pleinement son sens avec le faux Self. Il se fait le plus sentir à l’adolescence : période de quête identitaire pouvant être doublement problématique chez les adoptés.
L’adolescent adopté voudra s’intégrer d’autant plus qu’il vit un sentiment de différence permanent par rapport à son entourage. Pour ne pas subir le rejet ou l’abandon rappelant le traumatisme de la blessure primitive, il se fera adopter d’un groupe qui l’acceptera avec ou sans son masque.
L’adolescence fut une période difficile pour moi. J’avais l’impression que je devais surveiller chacun de mes faits et gestes afin de ne pas subir le rejet de mes camarades de collège et lycée. J’en souffrais puisque je n’arrivais pas à être moi-même, comparé à d’autres qui s’exprimaient aisément lorsqu’ils étaient avec leurs ami(e)s.
Soit l’adolescent adopté sera un vrai « caméléon » et saura parler avec tout le monde sans risquer le jugement des siens, soit il sera marginalisé et restera solitaire ou avec les personnes qui ne sont pas les plus populaires du collège / lycée.
Les ami(e)s avec lesquel(les) l’adolescent adopté pourra être lui-même seront rares, voire inexistants. Le faux Self peut ralentir le développement d’une relation amicale authentique. La plupart des amitiés seront alors circonstancielles ou « superficielles. »
Avec le / la conjoint(e) :
La relation affective est souvent la relation avec laquelle on a le plus d’exigences. C’est d’autant plus vrai pour un adopté puisqu’elle va inconsciemment lui rappeler la proximité « manquée » avec la mère biologique.
L’adopté adolescent ou adulte risque de choisir son / sa partenaire en fonction de son faux Self : l’autre nous aimera pour ce que nous ne sommes pas. C’est la raison pour laquelle certains couples sont « mal accordés » puisque l’un cherche à s’adapter à l’autre. L’adopté pourra se mettre avec une personne qui n’acceptera que son faux Self mais pas le vrai.
Or, dans une relation aussi approfondie que la relation affective, nous avons besoin que l’autre accepte notre vrai Self.
Le choix d’un partenaire qui nous voit qu’à travers notre faux Self peut donner lieu à une relation compliquée, voire « toxique ». L’adopté adolescent ou adulte doit donc apprendre à montrer son vrai Self au quotidien afin d’augmenter ses chances d’être avec la « bonne » personne.
Pourquoi il est difficile de montrer son vrai Self ?
Cette question aurait pu faire être le sujet d’un article mais la réponse est plutôt brève :
L’enfant adopté a la croyance inconsciente de ne pas être « bon », voire d’être « mauvais », puisqu’il a été abandonné par sa mère biologique peu après sa naissance. Il grandit avec cette croyance inconsciente et la conforte en s’adaptant aux autres, niant son vrai Self.
C’est la raison pour laquelle certains adoptés ne savent pas se définir eux-mêmes ou ont peur de montrer leur vulnérabilité : ils se sont construits sur ce qu’on attendait d’eux.
Montrer son vrai Self, c’est donc prendre le risque du rejet en montrant sa « fragilité » ou son « ignorance identitaire » ; montrer que nous ne sommes pas aussi « bon » qu’on a voulu le démontrer. Pourtant, c’est en montrant notre vrai Self qu’on connaît les personnes dont on a réellement besoin dans notre vie.
Je sais que c’est un exercice difficile pour certains qui peut nécessiter l’aide d’un professionnel.
Conclusion :
Le faux Self peut vous faire vivre à travers le regard des autres : « Comment dois-je me sentir face à l’autre ? » plutôt que « Comment est-ce que je me sens face à l’autre ?«
Cela implique de développer une relation plus authentique et « à nu ». Le faux Self semble une protection mais il a ses limites comme expliqué plus haut. Un travail personnel peut être fait seul en prenant le risque du rejet. Vous montrer plus authentique vis-à-vis de vos proches au quotidien sera un grand pas.
Ce travail peut nécessiter l’aide d’un professionnel. Je vous invite à consulter les différents types d’accompagnements, ici.
Prenez soin de vous.
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