On parle de la blessure d’abandon mais concrètement, quel est son impact dans notre vie ? De nombreuses situations que nous avons déjà vécu se répètent, et c’est le résultat d’un processus très ancien. Nous allons l’expliquer dans cet article.
Cet article est principalement inspiré du travail de recherche de Nancy Newton Verrier, psychologue clinicienne et mère adoptive. La touche personnelle est issue de mon expérience en tant qu’adopté moi-même, et des personnes que je rencontre en consultation en tant que psychopraticien. Chaque sujet englobe une généralité sans pour autant la conditionner ; l’humain étant complexe, chaque vécu est différent. Je vous invite donc à prendre du recul puis ne garder que ce qui vous parle. Bonne lecture !
Avant de commencer :
La blessure primitive est le « terreau ultra-fertile » des autre blessures, dont celui de la blessure d’abandon. C’est pour cela que toutes deux partagent des caractéristiques similaires, et qu’en traitant l’une, on agit également sur l’autre.
Pour en comprendre un peu plus sur leurs différences, lisez cet article qui s’ouvrira dans un autre onglet.
1) Pourquoi ?
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Explication psychologique :
Du point de vue conscient, nous sommes sensés être « adultes ». Du point de vue, inconscient nous ne le sommes pas forcément…
Certaines facettes de nous ne sont pas actualisées. C’est souvent parce qu’on évite ce qui nous met mal à l’aise ou en situation de faiblesse. Pourtant, c’est aussi une façon d’apprendre à mieux nous connaître dans ces moments-là. Plus ce travail est repoussé, moins nous évoluons dans notre maturité émotionnelle.
La blessure primitive (celle de la séparation avec la mère biologique) reste enfermée dans l’inconscient avec les émotions qui l’accompagnent. Dans le cerveau, la mémoire implicite (celle des émotions) est déjà opérationnelle dès la naissance, tandis que la mémoire explicite (celle des informations factuelles) le sera vers l’âge de 3 ans. C’est pour cette raison que nous n’avons que très peu de souvenirs (voire aucun) avant l’âge de 3 ou 4 ans…
Des images concrètes ne sont donc pas disponibles pour nous remémorer l’événement douloureux et être pleinement conscient que certaines de nos faiblesses viennent de là. C’est surement la partie la plus frustrante, car nous ne savions pas qui nous étions avant la séparation, donc aucun sens du « Moi » auquel se référer.
Par contre, le langage de l’inconscient se fait par les émotions. Émotions qui restent comme figées dans notre fort intérieur, et nous surprennent à certains moments sans que nous puissions expliquer pourquoi.
(Voir l’interview de Nancy Newton Verrier, psychologue et conférencière auprès des adoptés)
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Conséquences :
L’adopté a cette particularité d’être resté un « enfant » au fond de lui-même. D’ailleurs on ne dit que très rarement : « Je suis un adulte adopté » mais plutôt « Je suis un enfant adopté ». Comme si nous étions resté figés à cette période, celle de l’adoption.
Mention pour ceux qui ne se reconnaissent pas : Certains auront évidement pris leurs responsabilités en tant qu’adultes et réussi à enterrer ce à quoi ils ne voulaient plus faire face. Je ne vous oublie pas non plus 😉
L’enfant intérieur n’a donc pas surmonté la blessure de séparation, il est encore en deuil. Ces émotions n’ont pas eu le temps d’être relativisées. Il faut dire que nous n’en avions pas la capacité à l’époque. Nous avons alors en nous, cet enfant qui se fait turbulent à certains événements ou situations de nos vies.
Prendre nos responsabilités vis à vis de lui va être l’un des points capitaux pour notre évolution.
2) Comment ?.
L’enfant intérieur qui se réveille :
Il y a 3 étapes caractéristiques du réveil de notre enfant intérieur :
1) L’anticipation : Nous nous préparons très souvent à ce qu’il pourrait nous arriver de pire. Par exemple, face aux autres, nous anticipons un possible rejet de leur part, le fait de ne pas plaire. Du coup nous nous mettons en mode « adaptation », à surveiller le moindre mot qui sort de notre bouche, à la moindre expression qui se dessinera sur notre visage. C’est épuisant…
2) Sur-intensité de l’émotion : Face à la situation redoutée, nous nous emballons, nous paniquons, n’arrangeant rien… Nous ne nous contrôlons plus, c’est l’enfant intérieur apeuré qui contrôle face au traumatisme qu’il a vécu. Personne ne se doute de ce qu’il se passe en vous, de la tempête émotionnelle que vous vivez.
3) L’impuissance : Nous ne pouvons rien faire dans cette tempête émotionnelle à part subir ce qu’il se passe. Puis une fois l’événement passé, nous regrettons, mais nous nous sentons profondément triste de ne pas pouvoir réparer les choses, de revenir dans le passé. Même s’il s’agissait d’une simple dispute de couple pour savoir qui ferait à manger ce soir.
Pourquoi les émotions sont intenses ?
Si nous ressentons des émotions fortes, dont l’intensité est plus forte qu’elle ne le devrait, alors peut-être serait-il intéressant de s’interroger d’où elles viennent.
Dans la plupart des cas, la blessure de séparation y est pour quelque chose. Surtout quand il s’agit de situation concernant le rejet ou l’abandon. Les premières années de notre vie sont les plus marquantes puisque ce sont celles où l’on découvre le monde. Si un événement lourd, comme la disparition d’un proche arrive, que pourrions-nous faire en tant que petit enfant qui est en apprentissage dans un monde inconnu ?
Tout le monde la redoute certes, mais l’adopté y a été confronté particulièrement tôt, et à un moment où il aurait du être le plus proche de sa mère biologique, physiquement et moralement. Son développement affectif et neurologique s’accorde sur la symbiose qu’il a avec sa mère biologique (voir l’article Self).
Évidement les bébés qui ont perdu leur mère à la naissance (ou peu après), les bébés prématurés en couveuses, les bébés dont les parents partent 2 semaines en vacances et autres cas s’apparentant à une séparation sont concernés. Nous n’avons pas la notion de permanence si jeune. Tout ce que le bébé voit, c’est que la mère est partie (voir interview de la psychologue Nancy N Verrier) sans savoir si elle reviendra ou si c’est définitif. C’est une situation d’attente très stressante et angoissante que de vivre ce genre d’incertitude.
Une situation rappelant le rejet ou l’abandon ramènera l’événement traumatique de la mémoire implicite. Des émotions fortes seront ressenties, sans savoir les expliquer. Elle sera donc appréhendée avec plus d’intensité et moins de recul, pouvant affecter de plus en plus notre estime de Soi.
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Liste d’exemples de situations :
-Parler dans un groupe et ne pas avoir de réponse peut entraîner sentiment de rejet, comme le fait de ne pas se sentir intéressant, ni accepté. (alors que les gens n’ont peut-être tout simplement pas entendu)
-Parler à un(e) inconnu(e) dans la rue et qu’il ne veuille pas nous répondre peut être interprété comme une situation de rejet (alors que ce n’était peut-être pas le bon moment pour cette personne, qu’elle avait des problèmes… et que ça n’avait rien à voir avec vous. Les gens ont leur vie aussi)
-Ne pas avoir de nouvelles de notre conjoint(e) à l’heure où il/elle devait être rentré. Ainsi nous nous imaginons tout un tas de scénarios possibles, tous plus angoissants les uns que les autres… Étrange rappel de notre blessure passée de croire que l’autre « ne veut pas nous répondre parce qu’il/elle veut s’éloigner de nous », « ne veut pas revenir à la maison » ou « qui lui ait arrivé quelque chose et qu’il/elle ne reviendra jamais »… Alors qu’il/elle n’a peut-être plus de batterie ou qu’il/elle est au téléphone avec un(e) ami(e) sur le trajet du retour.
-Rupture amoureuse : la situation qui réveillera le plus le traumatisme de la blessure de séparation. Nous passerons par la plupart des émotions les plus désagréables ; nous sentir seul(e)s, abandonné(e)s, rejeté(e)s, mauvais(e)s etc… Nous remettrons plus que jamais notre valeur personnelle, nous culpabiliserons, nous penserons être « mauvais » et que c’est à cause de nous que la relation a fini ainsi. Alors qu’une rupture est la responsabilité de chacun, pas que d’une seule personne.
-Dispute familiale : Avoir une vision de la vie différente de celles de nos parents est courant. Malheureusement, ces derniers ne la comprennent pas toujours, ayant grandi dans une autre génération que la nôtre… Se disputer avec ceux qui nous ont élevé, éduqué et aimé n’est donc pas agréable du tout. Nous nous dirons : soit qu’ils ont raison et que quelque chose ne va pas chez nous, soit qu’ils ont tort et qu’on est prêt à couper les ponts, passant d’un extrême à un autre. Que notre cœur soit prêt à exploser de notre poitrine, que nous nous sentons très contrariés, qu’importe, nous vivons une émotion très forte… c’est une situation qui nous marque et nous affecte moralement.
Conclusion :
Restons optimiste, car la conscience d’un mal-être est le début de la « guérison ». Il n’y a pas de « bonne » manière de gérer sa blessure d’abandon. Certains adoptés le feront en pratiquant une activité physique, d’autres voudront s’informer plus dessus, d’autres s’investiront beaucoup dans leur travail… L’essentiel est de trouver son juste milieu, sans se brusquer, sans se culpabiliser de la ressentir. Soyez doux envers vous-même, prenez votre temps pour vous apaiser. Il ne s’agit pas d’une course.
En parallèle d’un accompagnement, chacun peut travailler au quotidien, en commençant par remarquer chacune de nos petites victoires par exemple.
Si vous vous sentez en proie à votre blessure d’abandon et que vous cherchez des outils pour y faire face avec plus de confiance, vous pouvez lire les accompagnements qui vous conviendrait et consulter l’annuaire des thérapeutes.
Prenez soin de vous.
Mots clés : enfant adopté, blessure d’abandon, blessure primitive
Une réflexion sur « Pourquoi et comment la blessure d’abandon se manifeste chez l’adopté ? (L’enfant intérieur) »